Monday, June 22, 2009

PROJET REGIONAL SUR LA BIOSECURITE ( PRB/UEMOA): LE CHEVAL DE TROIE POUR INTRODUIRE LES OGM EN AFRIQUE DE L'OUEST



Le Projet Régional sur la Biosécurité (PRB) de l’UMEOA – financé par la Banque Mondiale - est le « cheval de Troie » des Etats-Unis et des multinationales de biotechnologies ( Monsanto, Syngenta, etc.) pour frauduleusement introduire les OGM au niveau régional en Afrique de l’Ouest.

Comme écrit Grain dans son rapport sur le PRB :

"La Banque mondiale s'apprête à assurer le financement en provenance du Fonds pour l'environnement mondial (FEM) pour deux projets qui annihileront le débat public et introduiront de force les cultures génétiquement modifiées (GM) au coeur de l'agriculture paysanne. Les deux projets, l'un en Afrique de l'Ouest et l'autre en Amérique latine, accélèreront la diffusion des cultures GM dans les systèmes de semences des agriculteurs et même dans certains centres d'origine.

HARMONISER…

Les projets sont clairement motivés par des priorités extérieures. Il y a au coeur de ces projets une stratégie poursuivie depuis longtemps par la Banque mondiale et le gouvernement des Etats-Unis pour « harmoniser » les réglementations des cultures GM dans les régions afin de passer outre les processus nationaux plus sensibles à l'opposition locale. L'idée est d'établir des réglementations favorables dans un petit nombre de pays dont les gouvernements sont ouverts aux cultures GM et ensuite d'utiliser ces réglementations comme modèle pouvant être imposé aux pays voisins par la voie des organismes de politique régionale. De cette manière, l'harmonisation évite tout débat démocratique possible et fournit aux compagnies privées un guichet unique pour leurs cultures GM.

CONTAMINER…

L'autre objectif principal du projet est de faire progresser la stratégie actuelle de contamination de l'industrie GM. Les projets faciliteront ou introduiront les essais en champs et ouvriront la voie à la commercialisation des cultures GM, plus particulièrement des cultures fondamentales pour les systèmes agricoles paysans dans les régions respectives. Le projet latino-américain cherche en particulier à faciliter le "déploiement" des cultures GM dans les centres d'origine de ces cultures. La contamination sera inévitable, et la Banque mondiale le sait certainement. En effet, les projets supposent que les cultures GM seront introduites à large échelle dans les régions. Le "renforcement des capacités" en matière de biosécurité s'entend ici comme simple gestion de la contamination qui s'ensuivra."

Source : www.grain.org/nfg/?id=417

Pire, Ce projet n’a d’autres finalités que de dégager les responsabilités des multinationales vis-à-vis des dommages et préjudices causés par les OGM en les transférant aux pays de la sous-région.

De plus, l’objectif (officiel) déclaré du PRB de l’UMEOA est « d’élaborer et de mettre en oeuvre un cadre juridique communautaire de biosécurité en vue de permettre aux Etats membres de l’UEMOA de
faire face à leurs obligations vis-à-vis du Protocole de Cartagena, sur la prévention des risques biotechnologiques, relatif à la Convention sur la Diversité Biologique
». Paradoxalement, le PRB de l'UMEOA est en réalité en violation flagrante vis-à-vis de la Convention sur la Diversité Biologique qui reconnaît le droit de souveraineté des Etats sur leurs ressources biologiques et de toute les lois internationales qui réglemente les OGM.

La Convention sur la Diversité Biologique (1992) reconnaît le droit de souveraineté des états sur leurs ressources biologiques. De ce fait, la collecte de ces ressources est subordonnée à "l’accord préalable donné en connaissance de cause" par l’état qui possède ces ressources, avec comme un des objectifs « le partage juste et équitable des bénéfices tirés de l’exploitation des ressources génétiques. »

Le Protocole de Carthagène (2003) est un accord international fondé sur le « principe de précaution », qui vise à garantir le transfert, la manutention et l’utilisation en toute sécurité des OGM issus de la biotechnologie moderne. Il place sous haute surveillance la circulation et les échanges d'OGM et prend en compte les risques pour la santé humaine et pour l'environnement.

Ce protocole instaure une procédure d’information préalable permettant à tout pays importateur de refuser une cargaison de semences ou de produits alimentaires transgéniques en invoquant le principe de précaution. (principes de précaution et de prévention : règle de décision politique en l’absence de certitudes scientifiquement établies limitant, encadrant ou empêchant certaines actions potentiellement dangereuses, sans attendre que leur danger éventuel soit scientifiquement établi de façon certaine.)

Toutes ces conventions juridiques que le Mali a ratifiées prévoient un mécanisme d’information, de sensibilisation et de participation du Public à la prise de décision. C’est dire qu’en matière de sécurité en biotechnologie, la décision ne doit être prise qu’après une large information / sensibilisation des populations sur les avantages mais aussi et surtout les risques liés à l’utilisation des produits transgéniques et que le public doit être réellement impliqué à la prise de décision, ce qui n’est évidemment pas le cas du PRB/UMEOA.

Les pays qui adhèrent à la Convention, juridiquement contraignante, sont dans l’obligation d’en appliquer les dispositions.

La loi modèle de l’union africaine sur la sécurité en biotechnologie complète le protocole de Carthagène qui a été signé par le Mali. Elle accorde une importance particulière à l’évaluation et à la gestion des risques (articles 8 et 9). Selon cette loi « Aucune décision d’importation, d’utilisation confinée de dissémination ou de mise sur le marché d’un OGM ou dérivé d’OGM ne peut être prise par l’autorité compétente sans évaluation des risques pour la santé humaine, la diversité biologique et l’environnement, notamment ses conséquences sur l’environnement socio-économique et les normes culturelles.

La loi modèle pour la protection des droits des communautés de L’UA estime que la privatisation des formes de vie à travers le régime des droits de propriété intellectuelle viole le droit fondamental à la vie et va à l’encontre du concept africain du respect de la vie (non – brevetabilité du vivant). De solides arguments éthiques justifient l’exclusion des microorganismes, végétaux ou animaux du système de brevets.

Comme écrit la COPAGEN dans son rapport en réaction au Projet Régional de Biosécurité, « Il s’agit en fait d’une stratégie pour mettre sur la touche la souveraineté de chaque pays aux fins d’exécuter le programme OGM des sociétés transnationales en leur créant des conditions favorables d ’investissement dans les semences transgéniques dans la sous –région. En effet, en vertu des dispositions de l ’UEMOA, les décisions prises dans un pays peuvent être appliquées dans les autres si cette décision est entérinée par l’institution sous-régionale. C’est le principe de la subsidiarité. » C'est-à-dire qu’une législation mise au point au niveau régional s’impose aux Etats membres.

Comme il est prescrit dans la proposition du projet : "Si l'UEMAO est en mesure d'harmoniser les législations nationales de biosécurité et plus tard de faire appliquer une décision prise par l'un des pays dans les autres pays, cela améliorera considérablement la situation des investissements dans les biotechnologies pour les cultures de rente et les cultures vivrières dans la zone de l'UEMAO… en diminuant les couts liées aux transactions". Une fois l'adoption effectuée au sein de l'UEMAO, la Banque Mondiale déclare qu'elle cherchera à augmenter progressivement le projet au beaucoup plus gros marché que représente la CEDEAO.

De plus, les différentes versions du document complet du projet n’existent qu’en anglais alors que tous les pays de l’UEMOA, sauf un (la Guinée Bissau) ont le français comme langue officielle de l’administration publique. Cela est en contradiction flagrante avec les principes de participation effective du public au débat, puisque les documents sont inaccessibles en raison de la barrière linguistique.

Ci-joint le rapport de la COPAGEN relatif au PRB de l'UEMOA:

GRAIN - Afrique Francophone, 06 BP 2083 - COTONOU, BENIN www.grain.org/semences/

Semences de la biodiversité N° 55

Septembre 2006

DECLARATION LIMINAIRE DE LA CONFERENCE RELATIVE AU PROJET DE LA BANQUE MONDIALE SUR LA BIOSECURITE

Organisée à Cotonou, le 04 Juillet 2006, par JINUKUN et COPAGEN

(La coalition pour la protection du patrimoine génétique africain)

Quelles analyses critiques faisons-nous de ce projet :

Les points suivants méritent d’être soulignés par rapport à ce projet, qui de façon subtile comme à l’accoutumée, tente de cacher des objectifs mercantiles, au détriment de l’intérêt de nos Etats et des populations :

” Ce n’est pas un hasard si le coton, qui fait l’objet de beaucoup de polémiques au niveau international, liées entre autres aux problèmes de subventions des USA et de l’Europe, de l’accès aux marchés… est le premier produit proposé actuellement dans le cadre de ce projet.

” Le problème actuel du coton en Afrique de l’Ouest n’est pas celui de la production (quantité) mais bien ceux de la transformation/valorisation et de l’accès à des prix justes et équitables au producteur. Le coton Bt (coton OGM) ne sera donc pas la solution à ces problèmes.

” Il est évident que ce projet cherche à mettre en place un cadre réglementaire favorisant l’introduction des cultures génétiquement modifiées dans la région.

” Il est choquant de constater que nulle part dans ce projet, la question fondamentale des droits des communautés locales sur leurs ressources génétiques n’est prise en compte.

” Les OGM ne peuvent pas contribuer à « l’augmentation des revenus des producteurs » comme mentionné dans le projet. Les OGM qui sont faits pour l’agriculture industrielle, éliminent non seulement les petits producteurs, mais créent une dépendance vis-à-vis des semences produites par les multinationales.

” L’objectif environnemental global cité dans le projet, à priori « séduisant », cache l’objectif inavoué de légaliser les tests (officiels et cachés) menés dans nos pays.

” Ce projet qui veut faire de nos pays « un espace attractif pour les recherches et l’utilisation des biotechnologies » n’a d’autres finalités que de dégager les responsabilités des multinationales, en cas de dommages sanitaires, environnementaux, économiques, etc. causés par les OGM.

” L’UEMOA en tant qu’institution sous-régionale, n’a pas la légitimité d’autoriser la formulation et la mise en oeuvre d’un tel projet sur la biosécurité. En effet, ceci relève de la souveraineté de chaque pays, du moment où le protocole de Carthagena et la Convention sur la Biodiversité indiquent que chaque pays doit prendre en compte ses propres spécificités et est souverain sur ses
ressources biologiques.

” La Banque Mondiale, en tant qu’institution financière ne peut se donner le droit d’imposer à nos Etats une législation sur la biosécurité, pour légitimer l’utilisation et la consommation des produits qui font l’objet de polémiques et de rejet partout dans le monde.

Quelles conclusions tirées de cette analyse ?

Il est évident que ce projet de la Banque Mondiale intitulé : « Proposed West Africa Regional Biosafety Project » ne présente aucun intérêt ni pour notre sous-région, ni pour nos pays pris individuellement, pour les raisons suivantes :

Les OGM ne sont pas une solution pour l’Afrique. Plusieurs alternatives scientifiquement maîtrisables, économiquement rentables et socialement durables existent de nos jours, en plus de toutes les ressources locales que possèdent nos pays pour se nourrir, mais aussi pour produire de la richesse.

Les problèmes majeurs de l’agriculture dans nos pays sont entre autres : la maîtrise de l’eau, la fertilité des sols dans certains pays, l’accès aux moyens de production (notamment les questions de sécurisation foncière), l’accès aux crédits à des coûts acceptables, la transformation des produits pour une plus-value, l’accès aux marchés…

Les lois sur la biosécurité ne sont pas une fin en soi. L’essentiel est de prendre en compte les préoccupations des communautés locales et de respecter leurs droits sur les ressources biologiques qu’elles ont protégées pendant des générations.

L’UEMOA doit s’occuper de sa fonction originelle qui consiste à créer les conditions favorables pour permettre aux pays membres d’accéder aux marchés intérieurs et d’accompagner les initiatives économiques internes, en priorité au profit de nos populations. Elle ne doit pas constituer un frein au développement économique de nos Etats, en prônant des politiques d’ouverture suicidaires qui mettent en péril les intérêts de la population.

La Banque Mondiale a largement contribué à déstabiliser les économies des pays de la sous-région en particulier, et de celles de toute l’Afrique en général, à travers les PAS imposés aux Etats. Tout le monde est unanime aujourd’hui pour reconnaître que les PAS ont consisté à drainer l’essentiel des revenus de nos Etats vers l’extérieur. Les OGM s’inscrivent dans cette même logique de dépossession et de dépendance de l’Afrique.

Pour toutes les raisons évoquées ci-dessus, JINUKUN et COPAGEN:

- Demandent à l’UEMOA et aux décideurs des pays membres :

L’arrêt immédiat de toutes les actions relatives à la recherche de financement et à la mise en place du projet de la Banque Mondiale intitulé « Proposed West Africa Regional Biosafety Project » ;

Le respect des systèmes de gestion communautaires des ressources génétiques et des
connaissances associées;

La résistance à toutes les formes de pressions relatives à l’introduction des OGM dans l’agriculture africaine ;

La valorisation des ressources locales et des savoirs qui y sont associés ;
La promotion (application et diffusion) des alternatives aux OGM dans l’agriculture.

- Invitent les populations et les organisations de la société civile à :

Résister à toute tentative d’introduction des OGM dans l’agriculture ;

Valoriser les ressources locales pour une meilleure création de richesses de façon durable ;

S’informer et se former pour mieux comprendre les enjeux liés aux OGM afin d’agir en
connaissance de causes.

Fait à Cotonou, le 04 juillet 2006. JINUKUN et COPAGEN

JINUKUN est un réseau d’ONG locales et nationales, d’organisations paysannes, d’organisations communautaires de base et de scientifiques de
différentes spécialités du Bénin (biologistes, généticiens, sociologues, historiens, vétérinaires, …) travaillant pour une utilisation durable de la
biodiversité au Bénin et en Afrique. Le réseau a fait de la lutte contre les OGM, et de la protection des droits des agriculteurs et des communautés
locales, ses chevaux de bataille pour que la biodiversité du Bénin et d’Afrique soit réellement contrôlée par les communautés locales.
JINUKUN travaille en partenariat avec les organisations paysannes, les ONG qui interviennent dans le domaine de l’agriculture, de la protection
de la biodiversité ou de défense des consommateurs. Il produit une plaquette de liaison, du même nom, JINUKUN. JINUKUN est membre d’un
réseau intervenant en Afrique de l’Ouest : la Coalition pour la Protection du Patrimoine Génétique Africain (COPAGEN)

La Coalition pour la protection du patrimoine génétique africain (COPAGEN), est un mouvement social et citoyen. C’est un regroupement non formel d’organisations de la société civile de l’Afrique francophone au Sud du Sahara, manifestant un intérêt pour la gestion durable et la valorisation des ressources biologiques du continent ; elle comprend comme principaux acteurs, des Organisations paysannes, des ONG, des
associations de consommateurs, des associations de développement, des syndicats, des mouvements des droits de l’homme, des organisations de jeunes, de femmes, des individus etc. Le mouvement soutient les droits collectifs des communautés locales et des agriculteurs sur le patrimoine génétique africain, et rejette le génie génétique dans l’alimentation et l’agriculture. La mission de la coalition est d’oeuvrer pour la sauvegarde du patrimoine génétique africain, et pour une utilisation durable des ressources biologiques africaines, à travers la protection des droits des communautés locales et des agriculteurs. Le message de COPAGEN est : « Oui pour une recherche scientifique indépendante qui valorise les
ressources biologiques locales et les connaissances traditionnelles et endogènes dans l’intérêt des petits agriculteurs et des consommateurs
africains, non au brevetage du vivant et aux OGM face à tous les risques avérés et potentiels actuels qui y sont attachés. »
La coalition est actuellement active dans les pays suivants : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée Bissau, Guinée Conakry, Mali, Niger,
Sénégal et Togo