Monday, March 02, 2009

LE MALI VOTE LA LOI EN FAVEUR DES OGM

Loi sur la sécurité en biotechnologie : L’Assemblée Nationale adopte les OGM malgré l’opposition des paysans

Le 13 novembre 2008, l’Assemblée nationale du Mali a voté le projet de loi sur la sécurité en biotechnologie, avec une majorité de 108 députés pour et 20 députés contre.

Désormais, plus rien ne pourra empêcher l’envahissement du territoire malien par les organismes génétiquement modifiés. Sous le prétexte de doter le pays d’une législation sur la sécurité en biotechnologie, le gouvernement du Mali à travers l’Assemblée nationale, vient d’ouvrir toutes les vannes à l’introduction des OGM au Mali. Par 108 députés pour et 20 députés contre, la loi portée par Alassane Ag Agatham, malgré une forte opposition de la majorité des paysans et des acteurs de la société civile, est passée comme courrier à la poste.

Dès la présentation du rapport de la commission du développement rural, l’on pouvait déjà s’imaginer ce qu’allait être le sort de ce projet de loi. Surtout que le rapport de la commission de la santé, du développement social et de la solidarité, saisie pour avis, n’a pas mieux fait que la commission saisie pour l’étude de la loi. Les deux commissions ont demandé à l’Assemblée nationale d’adopter le projet de loi. Le débat qui s’en est suivi a été très houleux. Mais, rapidement le clivage opposition et mouvance présidentielle s’est dessiné dans la salle.

Le député Yaya Haïdara a demandé au gouvernement d’être clair sur l’objectif de la loi. Il a voulu savoir si la loi vise à préparer le terrain pour l’introduction des OGM au Mali. Dans l’affirmative, il a souhaité que le gouvernement apaise les paysans sur le schéma qu’il compte mettre en place pour l’approvisionnement des paysans en semences, car rares sont les paysans maliens qui ont la capacité d’acheter des semences OGM. Pour la plupart des députés de la mouvance présidentielle qui ont pris la parole dans la salle, il est plus qu’urgent pour notre pays de se doter d’une loi sur la sécurité biologique pour combler un vide et au-delà de se protéger.Bréhima Bérédogo, député de l’opposition, a d’abord tenu à dénoncer la présence d’une meute de policiers devant l’Assemblée nationale.

«Cela est inacceptable, parce que cette présence vise à empêcher à des Maliens l’exercice d’un droit reconnu par la constitution : le droit de manifester», a-t-il déclaré. En ce qui concerne la loi qui est à l’ordre du jour, il a estimé qu’elle prépare le terrain à l’introduction des OGM au Mali. M. Bérédogo a indiqué que la loi portée par le ministre de l’Environnement est «anti-environnementale», car portant atteinte à la diversité biologique. «En Afrique, en dehors du Burkina Faso et de l’Afrique du Sud, aucun pays africain n’a légiféré sur les OGM et tous attendent de voir clair avant de s’aventurer», a-t-il déclaré.

Avant de rappeler qu’avec les OGM, les paysans seront obligés de payer régulièrement les semences et comme le Mali, à l’état actuel, n’a pas la capacité de les produire, il va falloir s’approvisionner quelque part. Il a aussi estimé que les risques liés aux OGM ne sont pas maîtrisés. Pire, le député a démontré que notre pays n’a pas les capacités techniques et scientifiques de contrôle. Pour toutes ces raisons, il a demandé à l’Assemblée nationale de rejeter la loi et d’amener le gouvernement à organiser une large consultation autour du futur projet.

Les paysans maliens ont d’autres préoccupations

Pour sa part, le député Oumou Coulibaly de l’opposition, dans une démarche exceptionnelle qui fait la part belle aux proverbes, a amené les députés à comprendre que, loin des OGM, les paysans maliens ont d’autres préoccupations, comme les difficultés de terres cultivables. Selon elle, au lieu de perdre le temps à un débat sur les OGM, le gouvernement et les députés devaient plutôt réfléchir sur la stratégie à mettre en place pour que les paysans maliens n’aient plus de problèmes de terres.

Mody N’Diaye, député élu à Baraoueli a estimé que l’absence d’amendement au projet de loi, prouve qu’il est globalement accepté par les députés. Moriba Kéïta, Président du groupe parlementaire RPM, a demandé à ses collègues députés de répondre à la question de savoir, comment on peut assurer la sécurité dans un domaine qu’on ne maîtrise pas. Pour cela et pour tant d’autres arguments, il a demandé le rejet du projet de loi. Pour sa part, le député Drissa Ouattara qui s’est dit longtemps opposé aux OGM a fait un volte face. Il a estimé que ne pas légiférer sur la question est un acte criminel.

Le ministre Alassane Ag Agatham est intervenu pour rassurer les députés que sa démarche n’est pas à assimiler à celle de quelqu’un qui veut introduire les OGM au Mali. Mais, plutôt à doter le pays d’un cadre de biosécurité qui va l’aider à se prémunir contre les risques. Mais, ayant reçu beaucoup d’eau à son moulin, c’est en ministre comblé que Alassane Ag Agatham a regagné son fauteuil. Mais, c’était sans compter avec l’intervention du député Koniba Sidibé de l’opposition qui a forcé l’estime de tous, tant son discours était convaincant.

Plusieurs fois acclamé, Koniba Sidibé a expliqué que cette loi interpelle les Maliens sur deux préoccupations : la préservation de la santé publique et la réalisation de la sécurité alimentaire. Il a rappelé que eu égard à la pertinence du sujet, la majorité mécanique ne devait pas jouer. Selon lui, que ce soit l’opposition ou que ce soit la mouvance présidentielle, personne en principe ne souhaite que le pays court des risques inutiles.

Les risques des OGM ne sont pas maîtrisés

Contrairement aux déclarations du ministre Alassane Ag Agatham, il a déclaré que les risques des OGM sont très élevés. Selon le député aucune source scientifique n’a confirmé la maîtrise des risques. Face à cela, il dira qu’en Europe des nations plus au point techniquement et scientifiquement que la nôtre ont choisi le principe de la précaution, pour ne pas trop s’aventurer. Très en verve, Koniba Sidibé a battu en brèche l’argumentaire du ministre qui a voulu faire comprendre que le Mali a besoin de cette loi pour libérer les chercheurs nationaux.

«Si le projet de loi faisait une part belle à la recherche dans son champ d’application, j’allais demander qu’on le vote. Mais, je suis au regret de constater que la soi-disant loi sur la sécurité biologique au Mali, n’est qu’une licence à l’importation et à la commercialisation des OGM, sans exceptions. Nous ouvrons toutes les vannes, cela n’est pas acceptable», a-t-il déclaré. Avant de démontrer que notre pays n’a pas la masse critique de génies généticiens pour se permettre une aventure comme le veut le projet de loi.

«Les structures maliennes de contrôle sont sous équipées et n’ont pas les moyens de travailler comme il se doit», a-t-il affirmé. Avant de conseiller qu’il n’y a aucune urgence à pousser notre pays à mettre les charrues avant les bœufs. «Il faut d’abord doter le pays d’un cadre de biosécurité fiable, avant de songer à ouvrir nos frontières à une importation massive des OGM», a-t-il estimé. Le député Koniba Sidibé a indiqué que le projet de loi malien a volontairement fait l’amalgame entre la biotechnologie en agriculture et les OGM crées et commercialisés par des grandes firmes internationales. Il a estimé que l’objectif d’augmentation de la production agricole du pays n’est qu’un prétexte.

Le député de l’opposition est plus que convaincu que le pays peut atteindre cet objectif avec des solutions locales, fruits du travail de chercheurs maliens dans les domaines des semences améliorées. Il a révélé que si ce formidable travail des chercheurs maliens n’a pas encore produit l’effet escompté, c’est parce que l’Etat refuse de mettre les moyens à la disposition des services de vulgarisation. «Comment comprendre que ces semences maliennes, fruits du génie des fils du pays, soient utilisées seulement qu’à 26 % par les paysans maliens», s’est-t-il interrogé. Avant de démontrer la contradiction qu’il y a entre la loi d’orientation agricole et le projet de loi sur la sécurité en biotechnologie.

En plus de ne pas être le fruit d’une procédure participative et partagée par l’ensemble des acteurs, Koniba Sidibé a estimé que le projet de loi malien est en contradiction flagrante avec le protocole de Cartagena. Pour toutes ces raisons, il a demandé au gouvernement malien de reprendre sa copie et de la centrer sur les objectifs de la recherche, tout en y interdisant l’importation et la commercialisation des OGM. Les points marqués par Koniba Sidibé, député de l’opposition, ont vraisemblablement poussé Me Kassoum Tapo à sortir de ses gongs. L’éminent avocat malien a surpris plus d’un quand il a soutenu que la loi n’est pas relative aux OGM, mais plutôt à la sécurité sur la biotechnologie. Cette sortie de Me Kassoum Tapo a amené plusieurs journalistes présents dans la salle à se demander si l’avocat ne s’était pas tromper de texte.

En tout cas, le projet de loi sur la sécurité en biotechnologie, dans sa première section consacrée au champ d’application, est très clair. «La présente loi s’applique à l’importation, l’exportation, le transit, l’utilisation confinée, la libération ou la mise sur le marché de tout organisme génétiquement modifié (OGM) qu’il soit destiné à être libéré dans l’environnement ou utilisé comme denrée alimentaire, aliment pour bétail ou produit de transformation, ou d’un produit dérivé d’organisme génétiquement modifié. Elle s’applique également aux OGM à double fonction pharmaceutique et alimentaire d’intérêt agricole», nous révèle l’article premier.

Malgré la précision de ce texte, certains députés de la mouvance présidentielle ont estimé que le texte n’est pas relatif aux OGM. De deux choses l’une : soit ils ont voté un texte sans savoir qu’il était relatif aux OGM, soit ils sont de mauvaise foi. Mais, dans tous les cas, il est malheureux de constater que notre pays est désormais à la merci des multinationales semencières.

Assane Koné

Source: Le Republicain

Publié sur maliweb.net

Le Républicain, est seul responsable du contenu de cet article

No comments: