Wednesday, May 14, 2008

Crise alimentaire mondiale et agriculture biologique: Lettre ouverte à la FAO

Ci-joint une lettre adressée à monsieur Jacques Diouf - DG de la FAO- par Monsieur Philippe Desbrosse, le président d'Intelligence Verte, relative à la crise alimentaire mondiale et à l'agriculture biologique.  (http://www.intelligenceverte.org)

Cliquer sur le lien ici: The Earth Organization France (TEO Association Terre): Lettre ouverte �la FAO

crise alimentaire mondiale: lettre ouverte de Via Campesina a la FAO

Ci-joint une copie de la lettre ouverte de Via Campesina adressée a Monsieur Jacques Diouf - Directeur Général de l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO)
relatives a la crise alimentaire mondiale. 

Source/lien: http://www.viacampesina.org/main_fr/index.php?option=com_content&task=view&id=281&Itemid=1

Des mesures concrètes sont nécessaires pour renforcer la production alimentaire
12-05-2008

A: M. Jacques Diouf, Directeur Général de l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO)
A : M. Yasuo Fukuda, Premier ministre du Japon, Président du G8
A : M. John W. Ashe, représentant permanent auprès de l'ONU, représentant permanent d'Antigua et Barbuda et président du Groupe des 77

De: Henry Saragih, Coordinateur International de la Via Campesina

Jakarta, le 28 avril 2008

LETTRE OUVERTE

Des mesures concrètes sont nécessaires pour renforcer la production alimentaire basée sur l'agriculture paysanne; la crise des prix des denrées alimentaires révèle l'instabilité des marchés agricoles libéralisés.

Chers M. Diouf, M. Fukuda et M. Ashe,

Notre mouvement, La Via Campesina, est composée de millions de petits agriculteurs et de travailleurs sans terre dans plus de 60 pays à travers le monde. Bien que nous produisions des denrées alimentaires pour nos familles et communautés, beaucoup d'entre nous souffrent de faim et vivent dans la pauvreté. Au cours des derniers mois, la situation s'est aggravée en raison de la flambée des prix des denrées alimentaires. Nous sommes également gravement touchés par cette crise parce que beaucoup d'entre nous n'ont pas assez de terres pour nourrir leurs familles et parce que la plupart des producteurs ne tirent pas profit de ces prix élevés. Les grands commerçants, les spéculateurs, les supermarchés et les exploitations agricoles industrielles sont ceux qui s'enrichissent et tirent profit de cette crise.

La crise actuelle est le résultat de nombreuses années de dérégulation des marchés agricoles, de la privatisation des mécanismes publiques de régulation et du dumping des produits agricoles sur les marchés des pays en développement. Selon la FAO, la « lébéralisation » des marchés a généré d'énormes flux de capitaux, cherchant à spéculer sur des marchés de produits agricoles, au moyen des marchés à terme (futures) et autres instruments financiers.

Le développement commercial des agrocarburants et le soutien initialement enthousiaste dont ils ont bénéficié dans des pays tels que les Etats-Unis, l'Union Européenne et le Brésil exererce une forte pression sur les terres cultivables. Par ailleurs, dans de nombreux pays du Sud, des centaines de milliers d'hectares destinés à l'agriculture sont désormais convertis de manière incontrôlée en soi-disant « zones de développement économique », espaces urgbains et projets d'infrastructure. L'accaparement continuel des terres par les multinationales et par d'autres spéculateurs, expulsera des millions d'autres paysans et paysannes qui se retrouveront dans des mégapoles, relégués aux rangs des affamés et des pauvres dans les bidonvilles. En outre, nous devrons nous attendre, en particulier en Afrique et en Asie du Sud, à de plus graves sécheresses et inondations causées par les changements climatiques. Ces menaces sont graves autant en zones rurales qu'en zones urbaines.

Ce sont des développements très inquiétants qui nécessitent une action active et urgente! Nous avons besoin d'un changement fondamental dans l'approche de la production alimentaire et des marchés agricoles!

Il est temps de reconstruire des économies alimentaires nationales!

La reconstruction d'économies alimentaires nationales nécessite des engagements politiques immédiats et à long terme de la part des gouvernements. La priorité absolue doit être accordée à la production alimentaire nationale, afin de diminuer la situation de dépendance vis à vis des marchés internationaux. Les paysans, les paysannes et les petits agriculteurs doivent être encouragés à produire grâce à des prix équitables pour leurs produits agricoles et des marchés stables, afin qu'ils puissent alimenter leurs communautés. Les familles sans terre des zones rurales et urbaines doivent obtenir un accès à la terre, aux semences et à l'eau, pour pouvoir produire leur propre nourriture. Cela signifie une augmentation des investissements dans la production alimentaire basée sur l'agriculture paysanne pour les marchés locaux et nationaux.

Les gouvernements doivent soutenir financièrement les consommateurs les plus pauvres afin de leur permettre de se nourrir. La spéculation et les prix extrêmement élevés imposés aux consommateurs par les commerçants et les détaillants doivent être contrôlés. Les paysans, paysannes et les petits agriculteurs ont besoin d'un meilleur accès à leurs marchés nationaux afin qu'ils puissent vendre des denrées alimentaires à des prix justes pour eux-mêmes et pour les consommateurs.

Les pays ont besoin de mettre en place des mécanismes d'intervention visant à stabiliser les prix du marché. Pour atteindre cet objectif, des contrôles à l'importation avec des taxes et des quotas sont nécessaires, en vue d'éviter des importations à bas prix minant la production locale. Des stocks régulateurs nationaux gérés par l'Etat doivent être mis en place pour stabiliser les marchés nationaux: en période d'excédents, les céréales peuvent être retirés du marché pour constituer les stocks de réserve et en cas de pénuries, les céréales peuvent être redistribuées.

Réglementation des marchés internationaux et aide aux pays pour renforcer leur production alimentaire

Au niveau international, des mesures de stabilisation doivent également être prises. Des stocks régulateurs internationaux doivent être crées et un mécanisme d'intervention doit être mis en place afin de stabiliser les prix sur les marchés internationaux à un niveau raisonnable. Les pays exportateurs doivent accepter les règles internationales de contrôle des quantités qu'ils peuvent mettre sur le marché, afin d'empêcher le dumping. Le droit de contrôler les importations, de mettre sur pied des programmes pour soutenir les consommateurs les plus pauvres, de mettre en oeuvre une réforme agraire et d'investir dans la production alimentaire basée sur l'agriculture paysanne nationale doit être pleinement respecté et soutenu au niveau international.

Nous demandos à la FAO, sur la base de son mandat, de prendre l'initiative de créer l'environnement politique pour un changement fondamental au niveau des politiques alimentaires. Lors de la Conférence internationale sur la Réforme Agraire et le Développement Rural (CIRADR), une large majorité de gouvernements a reconnu et a convenu de l'importance du développement rural et de la réforme agraire en vue de combattre la pauvreté et la famine dans les campagnes. L'Evaluation Internationale des Sciences et Technologies Agricoles au service du Développement (EISTAD), qui est une évaluation du secteur agricole et qui a impliqué des organisations de la société civile, le secteur privé, des gouvernements, ainsi que la FAO et la Banque Mondiale, en est venue à la conclusion que l'agriculture industrielle et la dépendance croissante des paysans, paysannes et des petits agriculteurs sont au cœur du problème. Ils ont également conclu que l'agriculture paysanne durable doit être soutenue et renforcée. Le Fonds International de Développement Agricole (FIDA) reconnaît aussi le rôle majeur des paysannes et des petits agriculteurs dans la production des denrées alimentaires.

Nous demandons aux gouvernements du G8 de permettre que ces initiatives soient prises. Ils doivent arrêter la promotion des agrocarburants car ceux-ci ne sont pas une solution à la crise climatique et aggravent la destruction des forêts. En particulier dans les pays du Sud, les agrocarburants occupent des millions d'hectares qui devraient rester disponibles pour la production alimentaire.

Nous exigeons également que le G8 analyse de manière critique ses propres politiques agricoles, qu'il prenne des initiatives afin de faire cesser la volatilité des marchés internationaux et qu'il soutienne financièrement l'agriculture, non pas l'agro-industrie mais une production alimentaire basée sur l'agriculture familiale durable.

Nous demandons aussi que le G8 arrête et annule tout accord de libre échange contribuant uniquement à la destruction de la production alimentaire dans les pays en développement et bloquant toute possibilité de développement industriel autonome.

L'influence des sociétés transnationales et des intérêts spéculatifs financiers doit être contrôlée autant que possible et tenue à l'écart du marché des produits alimentaire. La nourriture est trop importante pour être laissée entre les mains des seules entreprises.

Un accord possible du Cycle de Doha de l'Organisation mondiale du Commerce se traduira par un autre coup dur pour la production alimentaire agricole. Nous exigeons que les gouvernements du G77 évaluent à nouveau les négociations de l'OMC sur l'agriculture et rejettent tout accord ayant des incidences négatives sur la production alimentaire domestique et ne permettant pas que soient prises toutes les mesures nécessaires au renforcement de la production alimentaire et à l'accroissement de l'autosuffisance nationale.

Les paysannes et les petits agriculteurs sont les principaux producteurs de denrées alimentaires

La Via Campesina est convaincue que les paysans et les petits agriculteurs peuvent nourrir le monde. Ils doivent être l'élément clé de la solution. Avec une volonté politique suffisante et la mise en oeuvre de politiques adéquates, davantage de paysans et d'agriculteurs, d'hommes et de femmes, pourront facilement produire assez de denrées alimentaires pour nourrir la population croissante. La situation actuelle montre que des changements sont nécessaires!

Le temps de la Souveraineté Alimentaire a sonné!

Cordialement,

Henry Saragih
Coordinateur International de la Via Campesina

 

Crise alimentaire mondiale

Les révoltes de la faim dans les pays du Sud : l'aboutissement logique de choix économiques et politiques désastreux

Communiqué de presse - 18 avril 2008
Communiqué commun ATTAC, Confédération paysanne.

Les révoltes dans divers pays révèlent une crise alimentaire mondiale qui s'installe sans doute pour une longue période, à défaut de changement radical d'orientation.

Nous ne sommes pas dans une situation de pénurie mondiale. Quoique extrêmement faibles, les stocks sont encore suffisants pour faire la jonction entre deux récoltes. Mais l'accès à l'alimentation des populations s'est dégradé brutalement face à une augmentation considérable des prix.

Elle aggrave encore la situation actuelle (20 000 morts par jour, près de 900 millions de personnes souffrant de malnutrition dont 80% de paysans).

La faiblesse des stocks est en cause. Elle provient en partie de phénomènes nouveaux : une demande forte en céréales et oléagineux pour l'alimentation, une demande en hausse pour la production d¹agrocarburants industriels (éthanol et diester) et des accidents climatiques qui ont diminué les récoltes sur certains territoires de la planète.


Mais cette nouvelle tension sur les marchés révèle surtout des problèmes structurels, issus de choix économiques désastreux, basés sur la croyance des bienfaits pour l'humanité de la libéralisation des marchés agricoles et de la marchandisation tous azimuts :
avançant la nécessité du remboursement de la dette, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale contraignent depuis des dizaines d¹années les pays pauvres à réorienter leurs productions agricoles vers l¹exportation. Ces pays ont ainsi dû délaisser leurs cultures vivrières, augmentant leur dépendance aux marchés extérieurs ;
sous l¹égide de l¹Organisation mondiale du commerce et sous la pression des accords bilatéraux, les politiques agricoles de tous les pays et leurs tarifs douaniers ont été progressivement démantelés : l'agriculture paysanne des pays du Sud se retrouve sans protection, en compétition directe avec l'agriculture subventionnée et industrielle des pays du Nord ;
la spéculation sur les marchés de matières premières accentue l'instabilité, à la baisse ou à la hausse, de leurs prix. Elle s'inscrit dans le cadre d'un capitalisme financier exacerbé, qui détériore l'ensemble des conditions de vie, y compris dans ce qu'elles ont de plus élémentaire ;
de nombreux pays, en soutenant le développement des agrocarburants, répondent aux intérêts des multinationales mais mettent un peu plus en danger la sécurité alimentaire mondiale. Tandis que leur bilan carbone est contesté dans la plupart des cas, les cultures intensives d'agrocarburants concurrencent directement les productions alimentaires et favorisent la hausse des prix et la spéculation.


Pour toutes ces raisons qui n'ont rien de conjoncturel, il est à craindre que l'extrême pauvreté et les conflits régionaux ne fassent que s'aggraver.

Seules des mesures cohérentes, en rupture avec les politiques libérales actuelles, peuvent permettre d¹endiguer la catastrophe qui s¹annonce :
une régulation mondiale des marchés agricoles avec le recours aux stocks publics dans le cadre d'une instance internationale sous l'autorité des Nations Unies : elle doit permettre une régulation des prix mondiaux compatible avec l'intérêt général et l'instauration d'une fiscalité procurant les ressources publiques pour satisfaire les besoins en développement des pays du Sud ;
la reconnaissance du droit à la souveraineté alimentaire, c'est-à-dire le droit des populations, de leurs États ou Unions à définir leur propre politique agricole et alimentaire sans dumping vis-à-vis des pays tiers ;
l'annulation de la dette des pays pauvres et l'augmentation substantielle de l'aide publique, à commencer par celle de l¹Union européenne et de ses États membres, qui est aujourd'hui en diminution ;
un moratoire pour suspendre la production d'agrocarburants et expérimenter des solutions alternatives, comme le propose Jean Ziegler, rapporteur spécial de l'ONU pour le droit à l'alimentation.

Enfin, la crise alimentaire ne peut être résolue au détriment des impératifs écologiques, notamment par la déforestation et le développement des OGM. La crise climatique et l'épuisement des sols sont autant de facteurs qui, au contraire, accentuent la crise alimentaire. Les solutions résident dans des pratiques agricoles écologiques et sociales. Elles nécessitent en particulier une réorientation de la recherche publique agronomique et des politiques agricoles et alimentaires dans leur ensemble.

Contact :
Aurélie Trouvé, co-présidente d'Attac, 06 17 17 50 87
Régis Hochart, porte-parole de la Confédération paysanne : 06 08 75 00 73

source: http://www.confederationpaysanne.fr/revoltes_faim_dans_pays_sud_aboutisse_logique_21.php&actualite_id=1259

Crise alimentaire mondiale

Les alchimistes de la faim

Article redigé par André Bouchut, paysan dans la Loire,
Secrétaire national de la Confédération paysanne

Il aura fallu plus de trente ans de ténacité aux organisateurs du système néolibéral pour arriver aux émeutes de l’alimentation.

Rien n’a manqué ! De l’atteinte aux droits des peuples au refus de réformer une Pac inadaptée, de la création de la dette à la mise en place de l’OMC, des plans d’ajustements imposés par le FMI aux accords bilatéraux… que d’énergie déployée pour qu’enfin l’agriculture devienne une marchandise comme les autres.

Toutes ces politiques qui ont imposé l’ouverture des frontières et favorisé les cultures d’exportation, au détriment des cultures vivrières, ont créé cette dépendance aux cours mondiaux.

Au jeu des avantages comparatifs, l’agriculture du Nord protégée par les normes sanitaires et dopée par des aides s’est opposée à celle du Sud basée sur une main d’oeuvre peu ou pas rémunérée : à chacun son système de dumping pour détruire la paysannerie.

Dans cette partie de Monopoly, les capitaux financiers sont arrivés en imposant leur règle du jeu basée sur l’argent gagné rapidement sans aucun souci éthique. Cette vision idéologique régie par le seul marché, mais faussée par de nombreux artifices, donne un résultat probant : malgré une augmentation plus rapide de la production agricole que de la population, on voit des émeutes de la faim se développer. Elles ne sont pas causées par le manque d’alimentation mais par le jeu spéculatif. Celui-ci provoque une hausse artificielle des prix et empêche beaucoup de pays du Sud et les populations pauvres d’accéder au droit fondamental de la nourriture.

Aujourd’hui, le moindre incident climatique peut devenir dramatique à la suite de la suppression des stocks financés par des fonds publics. Les agrocarburants sont la cerise sur le gâteau. Cette année, le prélèvement de 100 millions de tonnes de céréales, pour faire rouler nos voitures, a créé les premières émeutes au Mexique. Il développe aussi une utilisation concurrentielle à la destination alimentaire des productions agricoles.


Devant ce désastre annoncé, la Confédération paysanne exige un arrêt immédiat de la production d’agrocarburant. Elle demande un changement radical de cap pour obtenir de nouvelles politiques agricoles fondées sur le droit des peuples à la souveraineté alimentaire dans chaque pays ou région du monde. Devant l’urgence, il faut que les États reconstruisent des mécanismes d’intervention afin de retrouver les stocks nécessaires de céréales et autres denrées de premiers besoins. Ces produits doivent être mis à l’abri des spéculateurs.

Actuellement une aide d’urgence, aussi indispensable que scandaleuse s’impose. Indispensable parce qu’il faut sauver des populations de la famine, scandaleuse car l’argent des États va compenser la hausse du prix des aliments qui a essentiellement enrichi de façon inadmissible les spéculateurs.

Le changement de politiques agricoles s’impose. La France qui présidera l’Union européenne au deuxième semestre 2008 doit prendre toutes ses responsabilités.
104 rue Robespierre - 93170 Bagnolet