Monday, March 12, 2007

ANALYSE DE LA CRISE DU CACAO EN AFRIQUE DE L'OUEST


Photo : Une délégation de l’Association des Chocolatiers américains, conduite par le Président M.L. Russel Cook arrive à Yaoundé (février 1974)

Note : La moindre tension sur le marche du cacao est l’occasion pour la « Profession » de dépêcher des délégations en Afrique de L’Ouest pour exhorter à planter…

Extrait du livre : L’ECONOMIE DU CACAO ; Agriculture d’exportation et bataille du développement en Afrique tropicale, de Jean ASSOUMOU.


I. LE PRIX DU CACAO SUR LE MARCHE MONDIAL

Il nous faut répondre à la question centrale suivante :

Le prix du cacao, tel qu’il se fixe et tel qu’il évolue sur le marche mondial, peut-il favoriser le développement économique des pays producteurs ?

La réponse paraît franchement négative, pour des raisons bien connues que nous rappelons en quatre sections :

Les données du marche mondial du cacao font apparaître un rapport de force fondamentalement défavorable au pays producteurs (section 1). Or, l’analyse de l’organisation du marche professionnel du cacao (section 2) et du mécanisme des prix (section 3), montre que c’est dans les Bourses de cacao des pays consommateurs que se fixe le prix de cette denrée, en fonction non pas du coût de production comme les prix industriels, mais des prévisions de récolte et de broyages aux cours de la campagne.
C’est donc un prix essentiellement spéculatif et instable qui, sauf flambée de pénurie, fluctue sans progrès a des niveaux déprimés depuis bientôt un demi-siècle, et ne cesse par conséquent de se dégrader en termes de pouvoir d’achat des produits industriels. Il paraît exclu que la conjonction de cette faiblesse et de cette instabilité des prix et des revenus du cacao avec la dégradation des termes de l’échange de ce produit puisse favoriser le développement (section 4).

Telle est la situation qui paraît bien sans issue.

Rapport de forces défavorables pour les pays producteurs

Dépendance

Le cacao constitue la base économique de plusieurs pays en Afrique de l’Ouest. Par contre, c’est un produit dont la consommation dépend de la croissance économique des pays consommateurs occidentaux. Ainsi se trouve soulignée la grande dépendance des pays producteurs.

Marché spéculatif

Par ailleurs, la production annuelle de cacao est irrégulière et la demande a court terme relativement inélastique, la récolte se conserve mal et s’écoule sur une courte période de l’année ( nov-fév), toutes circonstances qui favorisent la spéculation, entraînent de fortes fluctuations de prix, et rendent les économies cacaoyeres très instables et très vulnérables.

Au total, les rapports des forces est donc fondamentalement défavorable aux pays producteurs, dont le pouvoir de marchandage apparaît pratiquement nul.

Ces pays ne sont cependant pas complètement désarmés. D’une part en effet, la concentration de la production dans un petit nombre de pays peut faciliter l’unité d’action et constituer un atout éfficace dans les transactions. D’autres part, le produit dont ils détiennent le monopole reste encore peu menacé par des succédanés. Il convient enfin de rappeler l’expansion de la consommation dans les pays et autres régions à revenus moyens.

Il est nécessaire d’avoir ces observations à l’esprit pour la suite de cette étude.

II. LE MECANISME DES PRIX

Le prix du cacao résulte directement de l’exécution en Bourse, autour de la « corbeille », des ordres d’achat et de vente de leur clientèle par les commissionnaires agrées. C’est un prix de marché qui s’établit indépendamment du coût de production et n’obéit nullement a une quelconque « loi » de l’offre et de la demande. Il est donc difficile de parler d’un « juste prix » du cacao.

Ces propositions, qui appellent assurément quelques précisions, détruisent nombre de contre-verites et d’illusions sur un marche entièrement contrôle par les professionnels des pays consommateurs et dominé par la spéculation.

Le mécanisme des prix du cacao ne relève pas, sans plus, de simple gonflement et dégonflements naturels de la production. Le prix du cacao se fixe en fonction de la production (offre), de la consommation (les broyages), des stocks, et de la spéculation.

Au cours d’une campagne, on constate que le prix évolue au jour le jour, non pas en fonction de la production et des broyages définitifs, qui ne sont évidemment connus qu’en fin de période, mais en fonction des prévisions qui en sont faites avant et pendant la campagne (spéculation), sur la base de renseignements les plus divers : conditions climatiques, état sanitaire des plantations, prix d’achat aux planteurs, déroulement de la commercialisation dans les principaux pays producteurs, etc. A ces facteurs proprement cacaoyers s’ajoutent des considérations extérieures telles que les fluctuations monétaires, les grèves, les crises politiques, etc. Ainsi ballotés à toutes les influences, le prix du cacao se caractérise par sa grande instabilité.

La loi de King

Les prévisions de production et de broyages font apparaître un excèdent ou un déficit.
La loi de King (1696) indique qu’un déficit ou un excèdent entraîne une variation plus que proportionnelle des prix en sens inverse. Le cacao étant une denrée périssable et de première nécessite pour le producteur, la baisse des prix déclenche généralement un effet négatif de revenu : le producteur augmente ses ventes au fur et a mesure que le prix baisse. De tout ceci il résulte que sa recette globale varie en sens inverse du volume de la récolte. En somme, les améliorations de productivité ont paradoxalement pour effet d’aggraver la paupérisation du planteur, et de permettre aux pays consommateurs de se constituer des stocks à bon marche qui vont encore peser sur les cours. (Surproduction = baisse des prix = augmentation de la production pour compenser perte liée a la baisse du prix = baisse du prix accentuée, etc. (cercle vicieux !)

L’influence des stocks sur le prix mondial du cacao

Même quand la production et la consommation s’équilibre, une seule récolte excédentaire peut, par le report de l’excèdent d’année en année, peser sur les cours pendant plusieurs années. D’un autre coté, il faut compter avec la spéculation sur stocks ; lorsqu’on s’attend à la hausse, les achats de stocks accentuent la hausse, et vice-versa.

La spéculation

Favorisée par l’incertitude statistiques et par tous les aléas qui font les écarts de prix, c’est la spéculation qui domine le marche du cacao. La spéculation a été définie comme :

« Une opération qui consiste à profiter des fluctuations naturelles de l’offre et de la demande et a prévoir ces mêmes fluctuations de manière à en réaliser un bénéfice. »
Dictionnaires des Sciences Economiques, PUF, Paris, 1958

Achetant quand ils sont bas et revendant quand ils sont élevés, la spéculation a incontestablement vocation à régulariser les cours. Toutefois,

« Précisément parce que la spéculation vise le bénéfice à tirer des fluctuations, la tentation est grande de provoquer ces fluctuations. » Ibid

Or, loin de rester une simple tentation, « provoquer des fluctuations » et amplifier les écarts de prix constitue la préoccupation habituelle des termistes. Par de fausses nouvelles notamment, on dérègle complètement le mécanisme des prix. Le prix du cacao apparaît ainsi comme le résultat direct des manipulations boursières. La spéculation joue un rôle tel qu’on a pu dire qu’il suffirait de l’évacuer du circuit pour assurer la stabilité des cours du cacao. Même dans certains milieux du Négoce, l’opinion commence a se faire jour que.

« s’il veut vraiment remplir son rôle, le marché à terme doit plutôt être un élément de cotation qu’une recherche à tout prix de variations de cours permettant la création d’écarts injustifiés. » ( Jacques Dupont, président du syndicat du commerce des cafés et poivres du Havre, 1972)

Le mythe de l’offre et de la demande

Une loi économique s’applique a un mécanisme régulateur qui ne joue lui-même que dans certaine condition précise de marché. Certes, le prix courant est détermine par l’intermédiaire de l’offre et de la demande, c'est-à-dire entre le rapport de force entre vendeurs et acheteurs. Mais il n’y a pas la une « loi ».

En résumé, de l’analyse qui précède on retiendra le caractère largement artificiel des prix du cacao, qui sont déterminés, non pas sur la base du coût de production comme les prix industriels, ni même directement a partir des variations des récoltes, mais de l’idée que l’on se fait en Bourse de l’évolution de l’offre et de la demande. Ce mécanisme n’est pas une loi.

Certes le prix courant est déterminé par l’intéraction de l’offre et de la demande, c’est à dire par le rapport des forces entre vendeurs et acheteurs. Mails il n’y a pas la une « loi ». Celle-ci indique que, sur un marché concurrentiel le prix courant doit nécessairement graviter vers le coût de production. En effet, toute hausse au-dessus du coût de production entraîne une augmentation de l’offre qui, a son tour, finit par déclencher une baisse, et vice-versa. Il est donc clair, comme l’a soutenu Ricardo, que :

« Ce sont les frais de production qui règlent en dernière analyse le prix des choses, et non comme on l’a souvent avancé, le rapport entre l’offre et la demande. » (David Ricardo, Principes de l’économie politique et de l’impôt, ch. 30)

Mais, éminemment instables, les prix du cacao ne fluctuent nullement autour du coût de production, en raison des conditions spécifiques du marché. En particulier, la rigidité de l’offre fausse radicalement le jeu normal d’un marché de concurrence.

« Partout ou, rappelle P. Fabra, par exemple l’offre ne peut pas, même avec retardement, être accrue sous l’impulsion de la demande, on est en présence d’un désordre que le marché ne peut pas résoudre. » (Le Monde, 25 septembre 1971)

En raison des variations de la production, on se trouve effectivement tantôt dans un marche d’acheteurs, tantôt dans un marche de vendeurs. Mais dans tous les cas, parce que la denrée est périssable et vitale pour lui, le producteur de cacao ne peut pas refuser l’échange, et l’offre augmentera même quand le prix baisse (courbe d’offre atypique). Le vendeur n’est certes pas totalement sans initiative et sans influence, mais sa marge de manœuvre est étroite. C’est donc en fait la Profession qui fixe unilatéralement les prix et les quantités, directement par ses ordres d’achat et de vente des fèves, indirectement par sa politique des prix du chocolat. La rigidité de l’offre établit ainsi l’hégémonie du consommateur, et le prix cesse d’être un compromis.

En économie marchande, rappelle François Perrou, le concept de l’échange implique la liberté des parties de vendre ou de ne pas vendre, d’acheter ou de na pas acheter ; l’égalité des situations quant à la faculté de vendre ou d’acheter ; l’équivalence des prestations. Mais, « Quand le transfert a lieu selon la règle : « Vends ou meurs ! » est-il tout a fait sérieux de le rapprocher de l’échange commercial ? » (François Perroux, Pouvoir et Economie, Bordas, Paris, 1973)

Il ne s’agit évidemment plus d’échange commercial, mais de transfert par voie d’ordre et de violence, pour ne pas dire de fraude et de rapine. Du coup se trouve dénoncé sans complaisance l’hypocrisie d’une prétendue « loi » de l’offre et de la demande qui couvre en fait – hommage que le vice rend à la vertu – l’arbitraire de la loi du plus fort et du mieux informé des règles du jeu.

Dans le commerce du cacao, c’est bien la Profession qui fixe les prix, en fonction de ses besoins et des disponibilités. Et ces prix s’imposent au producteur comme une « donnée. » Il s’agit la des rapports de domination, qui n’autorisent pas a parler d’un « juste prix » comme l’implique la loi de l’offre et de la demande.

« Juste prix » et fraude

Il est difficile de définir le « juste prix », car hormis le cas de concurrence pure et parfaite, ou le prix courant se détermine sur la base du coût de production, (cas qui reste éloigné de la réalité pour le cacao),

« Toutes les autres définitions du juste prix se réfèrent à des notions subjectives et par la, introduisent une totale indétermination. » ( Gunnar Myrdal, Une Economie Internationale, PUF, 1958)

Un groupe d’expert des Nations Unies charge par la Résolution 623 (VII) du 21 décembre 1952 d’étudier la question, proposa une définition fondée en fait sur la notion de stabilité des prix :

« Le comité est d’accord qu’un prix peut être dit « correct », « juste », « équitable », et « raisonnable » tant qu’il n’accomplit pas de mouvements extrêmes de hausse et de baisse imputables à des conditions anormales et passagères ou dénuées d’utilité économique »

Le prix « équitable » serait celui qui permet un développement régulier à la fois de la production et de la consommation. C’est dans ce sens que, semble t-il, l’Accord International de 1972 sur le Cacao se propose (article 1er) d’assurer un approvisionnement suffisant à des prix raisonnables, équitables pour les producteurs et pour les consommateurs.

Les termes de l’échanges

La plupart des auteurs et des Résolutions des Assemblées internationales considèrent a juste titre le rapport des prix des produits exportés et des prix des biens d’équipement et d’autres articles manufacturés importés comme le meilleur indicateur d’équité. C’est précisément la dégradation de ce rapport (les termes de l’échange) qui est la cause principale de la stagnation des économies agricoles.

Si le prix ne répond à aucun des critères énumères ci haut, on doit alors parler de « fraude », définie et stigmatisé par Saint Thomas d’Aquin comme étant « le vol par ruse, qui comprend le refus de payer le juste prix ou le juste salaire comme l’exigence d’un prix supérieur » - par opposition à la « rapine », qui est « le vol par autorité ou par la violence ». On sait que le cacao est entre dans l’Histoire par la « rapine », avec les Conquistadores et les Corsaires. L’évolution des prix au cours du dernier demi-siècle indique au contraire un marché dominé par la « fraude ».

Rappelons en particulier que la baisse des prix décourage de nouveaux défrichements, préparant ainsi le vieillissement des plantations et la pénurie, tandis que la hausse encourage de nouvelles plantations et prépare la surproduction 7 à 10 ans plus tard. Rappelons surtout l’effet négatif de revenu, qui accule le producteur à céder quasi gratuitement son produit au pays consommateurs. Il s’agit alors de spoliation pure et simple.

Si les fluctuations des prix gênent les industriels dans l’établissement de leurs programmes de fabrication, l’instabilité des recettes d’exportations du cacao qui en résulte, constitue un obstacle majeur au décollage des économies à base de cacaoculture.

Mais l’idée de discipliner le marché contre l’instabilité et l’avilissement des prix du cacao s’est longtemps heurtée à l’hostilité de la plupart des grands pays consommateurs ( avec a leur tête les Etats-Unis), partisans de la « liberté », c’est a dire d’un ordre économique fondé sur l’échange inégal et sur la domination.

Comme le souligne tristement G. Myrdal, en évoquant son expérience personnelle des négociations sur le cacao

« J’ai souvent trouve matière à réflexions dans le défaut de générosité et de compréhension qui caractérise les discussions intergouvernementales. S’il est vrai qu’une action internationale concertée en vue de stabiliser le prix d’exportations constituerait sans doute un moyen de venir réellement en aide au pays sous-développés – et ce dans des conditions strictement commerciales, sans engagement de dépenses, mais au bénéfice, au contraire, des pays avancés – il y a la matière à d’‘assez tristes réflexions. »

L’économiste suédois voit dans « l’absence d’une base de solidarité humaine internationale » la cause fondamentale de ce « défaut de générosité et de compréhension :, et invite les pays sous-développés à s’éveiller à « ce fait cruel » et à y « adapter de leur mieux leur politique commerciale nationale »

Il existe certes aujourd’hui un Accord sur le Cacao. Mais la grève isolée des planteurs de la Gold Coast en 1937, à la lutte de l’Alliance des pays producteurs pour la défense des cours en 1964, l’expérience aura définitivement établi que les relations économiques sont à la base de la force, et que les PAYS PRODUCTEURS DOIVENT S’UNIR !

Suite au bilan catastrophique qui suivit la grève des planteurs de cacao en 1938 et en 1948, Londres dépêcha une Commission d’enquête sur place. Ladite Commission déposa un Rapport recommandant au gouvernement :

« d’encourager les producteurs à s’associer pour écouler collectivement leurs produits et pour sauvegarder leurs intérêts communs. » (FAO, Bulletin #27, op.cit)

La source de la non industrialisation du secteur du cacao en Afrique de l’Ouest

Le cacao est essentiellement exporté en fèves brutes ; l’industrie de transformation du cacao est toute récente dans les principaux pays producteurs Ouest Africain puisqu’elle n’apparaît qu’au début des années 1950 au Ghana et au Cameroun, en 1964-65 en Cote d’Ivoire, et en 1967-68 au Nigeria. De plus, elle est très peu developpée :

D’une part, les broyages dans l’ensemble des pays producteurs ne représente qu’une fraction de la production totale de cacao (Voir statistiques FAO)
D’autres part, la transformation locales des fèves ne dépasse pas le stade de demi-produits ( beurre, cake, et poudre de cacao), et reste strictement fonction de la demande de l’Europe occidentale et des Etats Unis.

Ainsi, le secteur cacaoyer demeure essentiellement primaire. Pourtant, il apparaît en tous points avantageux et facile de créer localement une industrie complète de chocolat.

Avantageux, car l’industrie ajoute une valeur considérable au cacao ; en particulier, elle permet de récupérer complètement les fèves non conformes aux sévères normes d’exportations, et par conséquent d’accroître les recettes en devises. Mais au delà de cette valorisation directe du produit, l’industrie du chocolat crée des emplois, forme des ouvriers et cadre techniques, fait travailler des industries complémentaires, ( sucre, emballages, etc.) et favorise la consommation locale du cacao. Elle accroît donc le Produit Intérieur Brut (PIB), directement et par ses effets induits, et contribue à la réalisation de l’intégration économique interne.

Facile, car matière première de cacao et main d’œuvre sont abondantes et bon marché, les technique relativement simple et souples, et s’agissant d’une industrie de main d’œuvre et non de capital, les investissement de démarrage faibles.

Pourquoi alors, par une saine application de cette même Théorie des coûts comparatif
Au nom de laquelle on avait précisément voue les colonies à la production primaire, les pays producteurs de cacao ne fabriquent-ils pas eux mêmes le chocolat pour le vendre au reste du monde ?

Toutes choses égales d’ailleurs ( ceteris paritus?) ( c’est a dire sauf difficultés particulières a tel ou tel pays producteur), il semble bien que le principal obstacle réside dans la contradiction que l’industrie chocolatière des pays producteurs est vouée a l’exportation, en raison de l’étroitesse du marche intérieur et de la nécessité d’accroître les recettes en devises, alors que le marche des pays industriels reste ferme par toutes sortes de barrières tarifaires et non tarifaires, par crainte d’une concurrence qui risquerait de créer du chômage et d’acculer a de pénibles reconversions.

L’Accord International de 1972 sur le cacao n’a pas ignore le problème. Mais, s’il reconnaît (article 53) que les pays producteurs ont besoin d’élargir la base de leur économie par la transformation du cacao et l’exportation des articles de chocolat, il reconnaît en même temps la nécessité de respecter les inserts établis, et préconise en cas de menace de conflit le recours a la consultations bilatérales. Le problème reste donc entier !

Les pays développés craignent manifestement un transfert trop rapide des industries dans le Tiers-Monde, qui pressente pour eux : « la perspective effrayante d’un changement considérable de leur structures industrielles. »

Le Pacte Colonial - qui interdisait toute industrialisation des colonies- posait que les colonies sont de simples fermes de la métropole, et fixait les principes de l’échange inégal et de la dépendance, créant ainsi le sous-développement. En bloquant aux pays producteurs de cacao la voie de l’industrialisation et en les enfermant dans la vente des fèves brutes dont ils contrôlent eux-mêmes le marche, les pays industriels entretiennent en pratique la tradition du Pacte Colonial

Historique des négociations sur le cacao entre producteurs et consommateurs.

1932 : Conférence International du Cacao – (Bruxelles)

1ere conférence qui regroupait producteurs et consommateurs pour la stabilisation des prix a des niveaux rémunérateurs et pour l’exigence d’un « juste prix ».

Octobre 1937-Avril 1938

Grève des planteurs de la Gold Coast déclenchée suite a une entente entre principales sociétés étrangères de cacao qui visait a contrôler le prix d’achat du cacao aux producteurs, conduite par la Gold Coast Farmer’s Association avec John Ayew.

Echoua pour les raisons suivantes :

+ 7 mois de stocks de consommation en Dec 1937
Pas de moyens/d’infrastructure de stockage
Grèves locale, limitée au Ghana ; donc consommateurs pouvaient aisément s’approvisionner dans les pays voisins ( Cote d’Ivoire, etc.)
Le gouverneur de la Gold Coast – Hodgson – observa une « neutralité » qui encourageait le « cocoa pool » dirige par John Cadbury.

Finalement, les planteurs cédèrent…

Résultat :

Chute vertigineuse des prix du cacao sur le marche mondial
Chute des revenus des planteurs de + 75%, conformément a la Loi de King.

Naissance des « marketing board »

1939 - West African Cocoa Central Board (WACCB)

Conséquence de la grève de 1937/38
Organisme d’Etat charge de la vente/exportation du cacao
Cette réponse à la révolte de 1937/38 fut avant tout pour la Grande Bretagne un acte de politique intérieure, destine à stabiliser la situation politico sociale de Territoires dont elle avait la charge, ainsi qu’ faire tourner le commerce colonial. ( France > Caisse de Stabilisation 1956)

1942 – West African Produce Control Board (WAPCB)

Suite au succès du WACCB, le concept fut étendu à l’huile de palme, et à l’arachide, a travers la WAPCB.

1947 – Le système fut maintenu et réorganise sur une base territoriale ( Board de Gambie, Gold Coast, Nigeria, Sierre Leone, etc.)

1956 : Groupe D’Etudes crée par la FAO chargé de suivre les problèmes techniques et économiques du cacao et en particulier celui de la régularisation des cours.

1956-1972 : 7eme session du groupe d’études qui mena a l’Accord sur le Cacao de 1972

1962 – Création de l’Alliance des Pays Producteurs de Cacao ( Cocoa Producers’ Alliance – COPAL)

Regroupe la Cote d’Ivoire, le Ghana, le Cameroun, le Nigeria, le Togo et le Brésil. (82% de la production en 1964/65)

1963 – 6eme session du Groupe d’Etudes de la FAO sur le cacao.

1963 – Conférence de Négociation sur l’Accord du Cacao ( Genève)

Participants : 45 pays

Résultat : Echec total !

Le désaccord fut total sur tous les points, surtout sur le problème fondamental de la fourchette des prix, notamment du prix planché. La conférence s’ajourna sine die, et demanda d’être reconvoquee « lorsqu’il aura la conviction que les conditions propices à une reprise des travaux se trouvent réunies. »

1964 – L’ACCORD INTERNATIONAL SUR LE CACAO ENTRE PRODUCTEURS

Accord adopte par l’Alliance des Pays Producteurs (COPAL) suite à l’échec de la Conférence de 1963 à Genève.

Résultats :

Désastre ! Politique incohérente pour ne pas dire absurde. Le pays producteurs regroupes au sein de l’Alliance des Pays Producteurs tentent d’imposer un prix plafond sans ajuster l’offre et sans tenir compte de la demande, des stocks, etc.

Résultats, dégringolades des cours de cacao suite a une offre largement excédentaires, à des prix inférieurs en termes réels a ceux des années de dépression de 1934-38.
La Loi de King exploitée a fond par la « profession ».

Raisons et enseignements du désastre

Offre pléthorique ( ventes de 2 récoltes : 64/65 et 65/66)
Difficulté de stockage ( financière et logistique)
Présence sur le marche d’autres producteurs/fournisseurs de cacao ( 259,000MT) ne faisant pas partie de l’Alliance
Spéculation : « volume record de transaction… »
La ferme détermination de la « profession » de faire jouer la « loi de l’offre et de la demande » et la Loi de King en leur faveurs.
L’indiscipline des membres de l’Alliance ( « L’alliance n’était qu’un bouledogue édente » Secrétaire Exécutif de l’Alliance)

Le désastre était prévisible et inévitable.

De l’affrontement de 1964/65 a l’Accord de Cacao de 1972

Texte d’accord visant a stabiliser les prix de cacao sur le marche mondial pendant 3 ans.

S’articule autour d’une fourchette de prix

La mise en œuvre est assure par l’Organisation Internationale de Cacao.

Le Conseil – organe suprême compose de tous les membres ; exerce tous les pouvoirs relatifs a l’exécution de l’Accord. Se réunit 2 fois/année.

Le Comite Exécutif – compose de 8 membres exportateurs et de 8 membres importateurs, élus chaque année au sein du Conseil ; recommande au Conseil les mesures a prendre.

Directeur Exécutif – nomme par le Conseil. Responsable de l’administration et du fonctionnement de l’Accord.

Directeur du Stock Régulateur- charge de la gestion du Stock Régulateur. Nomme par le conseil.

Fonctionnement de l’Accord

Système de contingents d’exportation et un Stock Régulateur pour maintenir les prix dans les limites fixées par l’Accord a été établi.

Note : Les Etats-Unis ont refuse de signer l’Accord.

L’Accord est destine a régulariser les fluctuations passagères de l’offre et de la demande.

Au lieu d’artificiellement maintenir les prix dans une fourchette par le biais de quota d’exportation, il aurait été plus prudent ( et plus efficace) de prévoir un contrôle plus direct de la production.

L’Accord n’adresse/ne résout pas la source du problème lie a l’instabilité des prix ;
( Offre structurelle largement excédentaire face a la demande )

Solution : Fixe quota de production = demande, en tenant compte des coûts de production réels, des Termes de l’Echanges, des fluctuations des taux de change monétaires, etc.…

L’article 49 soulève ce problème pour en laisser la responsabilité a chaque membre producteur.

Spéculation

Parce que la fourchette de prix est largement calculée, que l’offre du cacao est irrégulière, et que le marche américain reste en dehors du système, l’Accord n’élimine pas la spéculation et la possibilité de fortes fluctuations de prix et de revenus.

Détériorations des termes de l’échange

L’Accord défend un prix nominal et non un pouvoir d’achat. Il ne tient aucun compte de l’inflation mondiale, et donc ignore le problème central de la dégradation des Termes de l’Echange.

Taux de change

L’indexation du prix planche sur la valeur réelle des monnaies de l’Accord a été jugée « inacceptable » pour la profession.

L’Accord prévoit simplement que le Conseil « peut », en cas de modification du taux de change du dollars ou de la livre sterling, prendre par un vote spécial toutes les mesures correctives nécessaires ( Article 42). Mais ce palliatif ne peut évidemment pas permettre de « suivre » la dépréciation des monnaies. La position relative des pays producteurs doit donc continuer a se dégrader.

En conclusion

L’Accord ne garantit pas la stabilité des prix et des revenus, ne définit aucune politique propre a faciliter l’expansion de la consommation, ne favorise pas l’industrialisation des pays producteurs, sans oublier que le financement du Stock Régulateur est entièrement supporte par les seul pays producteurs. On peut donc douter de son utilité.

L’Accord et le marche libre

Par rapport au jeu anarchique des forces du marche, l’Accord défend un prix minimum, et avec le Stock Régulateur, introduit la possibilité de faire jouer la Loi de King en faveur des producteurs.

Extrait du discours du secrétaire général de la CNUCED, Raul Prebisch, oct 1966

Monsieur le président,

Je suis convaincu que même un accord imparfait vaut mieux que pas d’accord du tout. Les raisons en sont fort simples : Nous savons tous quelle est l’élasticité des prix du cacao. S’il y a un excédent de, mettons 20%, la chute des prix sera plus grande que ces 20% ( Loi de King). Donc, le simple fait de retirer du marche l’excédent permettrait aux producteurs d’avoir un revenu plus élevé que le revenu qu’aurait fourni la vente de ces 20% a n’importe quel prix sur le marche. Donc la restriction en soi de l’offre peut améliorer la situation… »

Mais, un front commun des producteurs ne peut-il aboutir au même résultat ?
L’Accord ne remplace pas le contrôle du produit par les producteurs eux-mêmes.
L’article 35 de l’Accord les invite formellement à une solidarité exemplaire. C’est d’abord de leur propre détermination que dépend l’amélioration du prix du cacao.

Extrait du discours prononce par le Ministre de l’Agriculture de la Cote D’Ivoire durant la 22eme Assemblée Générale de l’Alliance des Pays Producteurs tenue a Abidjan du 27 février au 4 mars 1974.

« Notre devoir est de mener jusqu’au bout le combat pour la défense et l’amélioration des revenus tires du cacao. Nous devons plus que jamais prendre pour objectif d’obtenir que les cours de nos denrées et singulièrement du cacao, soient fixes en tenant compte aussi et surtout des coûts a la production… »